Derniers mots.

J’ai écrit une lettre de suicide aujourd’hui. Pas le mien. Celui d’un ami.
Il a dit récemment : si le rdv avec le psychiatre ne donne rien, j’arrête d’essayer. Je connais sa situation. Je sais ce qu’il voulait dire.
Alors j’ai écrit une lettre. Je ne sais pas encore si je dois lui donner.

C’est dur d’écrire une lettre de deuil à quelqu’un qui n’est pas encore mort. On se dit : c’est une lettre de dernière chance, après ce sera foutu alors je ne me mets pas de filtre. Mais on en met forcément. Tu écris à quelqu’un de fragile, une personne en souffrance dont tu ne veux que le bonheur. Tu te demandes si tu devrais lui donner la lettre, ou si ça va briser la dernière barrière, de voir que quelqu’un le considère déjà assez mort pour lui faire une lettre pareille. Tu as envie de lui écrire : je suis désolée d’être égoïste, à te demander de vivre juste parce que je ne veux pas d’un monde sans toi, alors que je me suis toujours doutée d’une certaine manière que tu n’étais pas fait pour le monde des vivants. Mais c’est violent et triste, et tu te dis– et s’il passe à l’acte à cause de mes mots, « tu n’appartiens pas au monde des vivants », et s’il passe à l’acte alors que sans toi il aurait eu une chance.
Tu ne veux pas sa mort.
Je ne veux pas sa mort, je ne veux pas d’un monde sans lui.
Je veux juste. Je ne sais pas. Je veux lui dire, par écrit, tout ce que je sais que je lui dirai lorsqu’il sera parti et que le soir, j’inventerai au fond de mon lit tous les mots que je n’ai pas eu le temps de lui dire.

J’ai écrit une lettre de suicide. Son titre : tout ce que je veux que tu saches avant de mourir. La première phrase, c’est : « Je suis tellement, tellement heureuse de t’avoir rencontré. »

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